liberté, Séparation

Sidération et incompréhension

Situation compliquée.

Situation douloureuse.

Dans ma vie, j’ai toujours su quoi faire, face aux difficultés, face à la douleur, à la déception, à la tristesse. J’ai toujours eu beaucoup d’optimisme et d’espoir dans l’avenir, parce que les choses s’arrangent toujours. Et en ce moment, je ne sais plus. Tout ce que j’imagine dans l’avenir est entaché, assombri. Il y a cette ombre qui plane, cette ombre malveillante, toujours présente, au-dessus de moi, au-dessus de nous. J’ai la désagréable, oppressante intuition que, où que j’aille, quoi que je fasse, une âme sombre qui rampe et glisse s’infiltre partout dans ma vie. Dans mes pensées, dans des SMS, dans le cerveau de mes enfants, au bureau, partout. Je ne peux m’y soustraire.

Je voudrais partir, fuir, mais je ne peux pas. Pas maintenant. Pas de possibilité immédiate de fuite ou alors risquer de tout perdre.

Face à la colère, à la haine et au besoin de vengeance, je me sens vulnérable et seule. Face à la violence psychologique, je ne suis pas armée. Je ne sais pas réagir. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas gérer. Je courbe le dos en attendant que ça passe, mais ça ne passe pas. Je subis et je ne sais pas ce que je dois faire.

Toutes les solutions que j’imagine sont soit vaines soit risquées. Il ne me reste plus qu’à opposer les seules armes en ma possession : acceptation, calme, dignité. Ne pas répondre à la colère par de la colère. Mais ne rien dire ne signifie-t-il pas que j’accepte et que je cautionne ? Comment laisser faire ce qui nous paraît choquant, anormal, déviant ?

Comment vivre avec cette idée que la haine me suivra toute la vie et que je ne peux pas lutter contre ? Je ne peux pas imaginer vivre comme ça. Je ne sais pas comment y arriver. Cette présence, si proche, constante, si noire et vile, m’angoisse et me terrorise.

Je me sens prise au piège. Un piège tendu il y a des années qui se referme, jour après jour, et je ne comprends les implications réelles que maintenant.
Je pensais naïvement qu’il suffisait de partir pour être libre. Je découvre aujourd’hui que sortir de son emprise prendra des années. Qu’il ne suffit pas de dire non pour échapper à ça. Dire non est un préalable indispensable, mais ce n’est que le début d’un long combat. Le combat dure depuis trop longtemps et je suis fatiguée.

Je ne suis pas faite pour lutter. Je n’ai pas les armes. Je voudrais juste dire, faire comprendre, convaincre, utiliser les mots, discuter, apaiser et que tout s’arrête. Mais les mots ne servent à rien, car son mode de pensée est trop différent du mien. Il ne peut ni comprendre ni accepter ce que je veux lui dire. Il n’entend pas, il est bloqué dans un fonctionnement qui l’enferme dans la haine et il n’a pas la clé pour en sortir. Lui seul trouvera cette clé. Ou probablement ne la trouvera jamais.

Passer de la haine à l’acceptation. Se remettre en question. Accepter que l’autre est un être humain libre, et qu’en aucun cas on ne peut contraindre d’aimer. Accepter que l’autre ne nous aime plus. Arrêter de condamner aveuglément. Condamner pour éviter de réfléchir. Haïr pour survivre, parce que le recul et la réflexion amènent des choses trop difficiles. Je sais tout cela. Je ne veux plus en avoir mais j’ai encore de l’empathie. Je sais, je perçois, je comprends. Cela n’excuse rien. Cela ne permet pas de faire continuellement du mal à l’autre, aux autres.
La colère et la haine ne résolvent rien. C’est une étape, et ça ne doit être qu’une étape. Combien durera-t-elle ?

Je n’ai aucun autre choix, que de subir. Je me sens impuissante. Je pense à mes enfants, qui ne comprennent pas, qui ne savent pas, mais qui perçoivent, inévitablement, cette haine. J’ai peur que tout ça ait des conséquences. Ça en a sur moi, évidemment, mais ça en a sur eux. Et je ne peux rien leur dire, lorsque c’est en pleurant que je lis les SMS. Je ne peux pas leur expliquer. Je veux les préserver, alors qu’ils entendent que je suis la seule responsable de la situation. J’aimerais tout leur expliquer, mais ils sont trop petits et ils répètent tout ce que je leur dis. J’aimerais partir, loin, et leur dire pourquoi.

J’ai toujours pensé que l’empathie, l’intelligence, l’instruction, protégeaient de cette violence psychologique. Protégeait des autres. Donnait des armes, puissantes. Et aujourd’hui avec tout ça, je souffre. Mes émotions sont décuplées. Je ne peux pas me blinder. Mes réactions n’ont pas d’effet sur des personnes qui pensent différemment de moi, et ça me fait peur. Le monde n’est pas le même pour tous. La perception opposée des choses nous enferme dans une incompréhension mutuelle définitive et déprimante.
Je me sens tellement fragilisée par cette évidence qui me frappe, aujourd’hui. Cette incompréhension que rien ne peut réduire. Aucun mot, aucun geste, aucune attitude. Tout sera lu de travers, différemment, tout sera sali, parce que certains ne peuvent juste pas imaginer que certaines attitudes soient gratuites et pures. Pour eux, il y a nécessairement manipulation et volonté de nuire. Que faire ? Que répondre ? A part, inlassablement, répondre « non, il n’y a aucune volonté de nuire ». Parce qu’en face, la volonté de nuire est réelle et assumée. « Je veux que tu souffres », « je vais me venger », « tant mieux si tu pleures ».

Je n’ai rien à répondre à ça.
Ça m’est tellement étranger, je ne comprends tellement rien, je ne peux pas réagir. La seule réaction qui est la mienne c’est la sidération, l’hébétude. Et en face, j’entends « tu vois j’ai raison, tu ne réponds pas ».

Je ne réponds pas, non. Je ne sais pas. Je ne peux pas.

Tout ça me révolte d’injustice. J’ai envie de faire un scan de mon cœur et de mon cerveau et m’en servir comme preuve. Comment prouver l’absence de malveillance à quelqu’un dont c’est le seul mécanisme connu ?

Je me souviens de ces films qui m’ont marquée, quand j’étais ado. Ces films basés sur une injustice humaine ou sociale. Ces personnes qui sont embarquées dans des situations horribles à cause d’un malentendu, parce qu’il est impossible pour elles de faire entendre leur vérité. Je ressentais un malaise puissant et insupportable devant ces scènes. Aujourd’hui je le vis. Je sais que je ne pourrai jamais rétablir la vérité, ma vérité. Seule la sienne va compter parce que c’est facile. C’est facile, c’est commun, c’est commode et l’humanité aime bien les explications commodes.

Je suis outrée. Fatiguée. Sidérée. Déprimée.

 

9 réflexions au sujet de “Sidération et incompréhension”

  1. Je te souhaite force et courage pour traverser cette situation. Je me rend compte de la chance que j’ai dans ma rupture, même s’il y a des reproches de son côté, on arrive quand même à communiquer et, même si je ne suis pas toujours rassurée quand je le vois, il semble avoir accepté de devoir me laisser vivre ma vie.
    Es-tu accompagnée dans cette épreuve ? Encore bon courage.

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    1. Merci beaucoup Neutrina. Je n’ai plus ce courage, mais ça va revenir, sans aucun doute. Aujourd’hui je voudrais juste supplier et que tout s’arrête. Malheureusement ce n’est pas aussi simple…
      Je peux parler de tout ça oui, avec des amis proches. Et je vais retourner voir ma psy car j’ai besoin qu’on me donne des armes pour supporter….
      Je t’embrasse. (et je lis quand même que tu n’es pas rassurée quand tu le vois…. ?)

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      1. J’espère qu’une aide pro t’aidera à surmonter ça le plus rapidement possible.
        Et oui en effet, il n’a jamais été violent physiquement, mais il a tendance à tout intérioriser, ne pas exprimer ses sentiments, et j’ai toujours un peu peur qu’il explose à un moment ou à un autre. Du coup je limite nos contacts au maximum (je vis chez mon nouveau mec depuis quelques semaines), et heureusement je déménage très bientôt de notre « colloc » un peu chelou, ça me fera le plus grand bien

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  2. Oh… Tellement tellement triste pour toi… J’en ai les larmes aux yeux en te lisant et la gorge nouée… Que de souffrances…
    Courage ! Je t’envoie tout mon soutien et plein de bisous-réconfort… Je ne peux pas faire grand chose d’autre pour toi, mais je pense à toi, très fort…

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  3. Je commente rarement ; situation dure pour vous ! Le pire étant la manipulation qu’il peut peut-être exercer sur les enfants ! Ce qui expliquerait les week-ends difficiles lorsqu’ils sont chez vous ! Bon courage !

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    1. Oui je ne maîtrise absolument pas ce qu’il peut dire aux enfants, non seulement je ne peux rien y faire mais je ne suis même pas au courant. Parfois je devine, à certaines de leurs réactions. JE ne pense pas que ce soit une manipulation consciente et explicite, par contre des maladresses, des petites remarques acerbes, qu’il pense anodines mais que les enfants notent de façon indélébile dans leur cerveau…
      Comme mon petit qui était si insupportable et insolent, violent presque avec moi : j’ai fini par comprendre qu’il avait en tête que j’étais responsable de la séparation.
      Il était en colère contre moi. J’ai dû lui parler longuement et lui dire que quand deux personnes ne s’aiment plus, souvent chacun croit que c’est à cause de l’autre mais en fait, c’est comme ça, personne n’y peut rien, c’est de la faute de personne…
      Ensuite il s’est apaisé…

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  4. Bonjour,

    Votre message me touche profondément, je voulais vous dire que personne n’est fait pour vivre cela, et pour affronter cela seul!

    Il y a peut être des association aidant les femmes qui subissent des violences dans votre région? Les violences que vous subissez, même si elles sont d’ordre psychologique uniquement sont terribles, et vous avez tout à fait le droit de faire appel à ce type d’aide et d’entre aide!

    Je croise les doigts très très fort pour que vous puissiez faire de bonnes rencontres

    Des bises

    Nath

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