8 semaines de confinement.
Une épidémie, la peur qui s’installe, la panique pour une partie de la population, des décisions qui sont prises, des mensonges qui sont proférés par nos dirigeants…
8 semaines de confinement et beaucoup de réflexion pour ma part. Beaucoup d’introspection, beaucoup de tentatives pour comprendre, excuser, oublier, tolérer les comportements extrêmes ou stupides ou tout simplement incompréhensibles de l’ensemble de la société, des gens qui m’entourent, des réflexions et commentaires sur les réseaux sociaux, des membres du gouvernement.
S’il y avait eu une résistance face aux décisions prises pendant cette crise, une résistance organisée, je l’aurais rejointe.
Oui je l’avoue, j’ai du mal à obéir. Je tempête, je me révolte, seule à ma table, seule face à mes lectures ou à la radio que j’écoute sous la douche. Je me révolte parce que je ne suis pas un enfant, je ne suis pas une débile, je ne suis pas « ce peuple qu’il faut encadrer », je suis un être humain, je réfléchis, j’ai du bon sens, et je n’ai surtout pas envie de devoir rédiger des attestations que je montre à la police quand je vais faire des courses ou que je me promène avec mes fils.
Mais j’ai aimé le confinement. Si je fais abstraction de la difficulté de renoncer à ma liberté d’aller et venir, j’ai aimé rester chez moi.
J’ai déménagé les 14 et 15 mars. Le 16 mars, on nous annonçait le confinement. J’ai été chercher les dernières affaires qui restait à mon appartement et je me suis confinée dans ma nouvelle maison. J’ai dû faire face à des journées entières seule face à mes cartons et à mon emménagement, des journées à m’occuper d’enfants qui découvraient en même temps que l’école à la maison, une nouvelle maison, de nouvelles habitudes à construire, de nouveaux repères à bâtir.
Ça a été très compliqué. Pour eux comme pour moi. J’ai eu des soirs de déprime. Je me suis sentie seule dans un endroit inconnu. J’ai erré, seule, dans les pièces de ma maison encore vide d’habitudes, vide de souvenirs, vide de décorations et de traces de vie. J’ai fait mes traces, jour après jour. J’ai installé mes affaires, j’ai pris mes habitudes.
Ma petite maison à Calais est devenue la maison du confinement. Mon cerveau l’a associée au confinement, comme une maison de vacances, comme un lieu provisoire.
Aujourd’hui je réalise que je peux sortir et retrouver ma liberté, ma maison est toujours là. C’est aussi la maison de la liberté, c’est le symbole de ma liberté retrouvée et de ma nouvelle vie.
Et dans cette maison, même confinée, même en ayant dû renoncer à mes libertés fondamentales, même dans ces conditions je m’y suis sentie libre. Comme dans un cocon de sécurité et de liberté.
Ma maison. Mon cocon. Je l’ai meublée, décorée, aménagée sans pouvoir aller dans les magasins, avec ce que j’avais, comme je pouvais, mais je l’ai aménagée selon mes envies et mes besoins, et elle est parfaite.
8 semaines en confinement, 8 semaines dont 4 avec mes enfants à temps plein à apprendre à vivre ensemble, à profiter de chaque moment passé avec eux, à voir que plus je leur consacrais du temps plus ils étaient détendus, gentils, faciles.
Ça n’a pas été fluide. J’ai été fatiguée, angoissée, vidée, déprimée de les voir si rebelles et si pénibles, et à force de patience et de repos, j’ai retrouvé le sourire et l’énergie pour encaisser sans crier, pour entendre leurs besoins, pour être là pour eux. Et tous les trois, on a su, au fil des jours et des semaines, créer un climat doux et apaisant où nous étions heureux d’être ensemble. J’ai retrouvé un quotidien avec mes enfants sans stress des horaires, juste à passer du temps ensemble.
J’ai dû télétravailler tout en étant instit de CE2 et instit de grande section, j’ai sonné des récrés en pensant pouvoir travailler une demi-heure mais en devant finalement préparer des goûters, surveiller des jeux qui dégénèrent, essuyer des petits pieds plein de terre…
J’ai dû être maman, instit, fonctionnaire, femme de ménage, cuisinière, animatrice, policière, gérer tout en même temps et choper des maux de tête parce que c’était trop, parce que c’était dur.
Mais aujourd’hui, alors que ça se termine, aujourd’hui alors que je retourne au travail deux jours par semaine, alors qu’ils vont découvrir « le monde d’après » en retournant à l’école, je suis déjà un peu nostalgique.
J’ai appris mille choses pendant ce confinement, mais la première, la toute première, c’est de ralentir et de profiter d’être à la maison, ensemble. Et je crois que quand le quotidien reviendra vraiment, j’aurai cette sensation de ne plus avoir assez de temps avec eux, assez de temps à la maison.
Si seulement, on pouvait réfléchir à notre façon de voir le travail et la maison. Aménager ça autrement.
Je n’ai aucune solution toute faite, juste envie d’inventer un autre mode de fonctionnement.