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Confinement et nouvelle maison

8 semaines de confinement.

Une épidémie, la peur qui s’installe, la panique pour une partie de la population, des décisions qui sont prises, des mensonges qui sont proférés par nos dirigeants…

8 semaines de confinement et beaucoup de réflexion pour ma part. Beaucoup d’introspection, beaucoup de tentatives pour comprendre, excuser, oublier, tolérer les comportements extrêmes ou stupides ou tout simplement incompréhensibles de l’ensemble de la société, des gens qui m’entourent, des réflexions et commentaires sur les réseaux sociaux, des membres du gouvernement.

S’il y avait eu une résistance face aux décisions prises pendant cette crise, une résistance organisée, je l’aurais rejointe.

Oui je l’avoue, j’ai du mal à obéir. Je tempête, je me révolte, seule à ma table, seule face à mes lectures ou à la radio que j’écoute sous la douche. Je me révolte parce que je ne suis pas un enfant, je ne suis pas une débile, je ne suis pas « ce peuple qu’il faut encadrer », je suis un être humain, je réfléchis, j’ai du bon sens, et je n’ai surtout pas envie de devoir rédiger des attestations que je montre à la police quand je vais faire des courses ou que je me promène avec mes fils.

Mais j’ai aimé le confinement. Si je fais abstraction de la difficulté de renoncer à ma liberté d’aller et venir, j’ai aimé rester chez moi.
J’ai déménagé les 14 et 15 mars. Le 16 mars, on nous annonçait le confinement. J’ai été chercher les dernières affaires qui restait à mon appartement et je me suis confinée dans ma nouvelle maison. J’ai dû faire face à des journées entières seule face à mes cartons et à mon emménagement, des journées à m’occuper d’enfants qui découvraient en même temps que l’école à la maison, une nouvelle maison, de nouvelles habitudes à construire, de nouveaux repères à bâtir.

Ça a été très compliqué. Pour eux comme pour moi. J’ai eu des soirs de déprime. Je me suis sentie seule dans un endroit inconnu. J’ai erré,  seule, dans les pièces de ma maison encore vide d’habitudes, vide de souvenirs, vide de décorations et de traces de vie. J’ai fait mes traces, jour après jour. J’ai installé mes affaires, j’ai pris mes habitudes.

Ma petite maison à Calais est devenue la maison du confinement. Mon cerveau l’a associée au confinement, comme une maison de vacances, comme un lieu provisoire.

Aujourd’hui je réalise que je peux sortir et retrouver ma liberté, ma maison est toujours là. C’est aussi la maison de la liberté, c’est le symbole de ma liberté retrouvée et de ma nouvelle vie.
Et dans cette maison, même confinée, même en ayant dû renoncer à mes libertés fondamentales, même dans ces conditions je m’y suis sentie libre. Comme dans un cocon de sécurité et de liberté.

Ma maison. Mon cocon. Je l’ai meublée, décorée, aménagée sans pouvoir aller dans les magasins, avec ce que j’avais, comme je pouvais, mais je l’ai aménagée selon mes envies et mes besoins, et elle est parfaite.

8 semaines en confinement, 8 semaines dont 4 avec mes enfants à temps plein à apprendre à vivre ensemble, à profiter de chaque moment passé avec eux, à voir que plus je leur consacrais du temps plus ils étaient détendus, gentils, faciles.

Ça n’a pas été fluide. J’ai été fatiguée, angoissée, vidée, déprimée de les voir si rebelles et si pénibles, et à force de patience et de repos, j’ai retrouvé le sourire et l’énergie pour encaisser sans crier, pour entendre leurs besoins, pour être là pour eux. Et tous les trois, on a su, au fil des jours et des semaines, créer un climat doux et apaisant où nous étions  heureux d’être ensemble. J’ai retrouvé un quotidien avec mes enfants sans stress des horaires, juste à passer du temps ensemble.
J’ai dû télétravailler tout en étant instit de CE2 et instit de grande section, j’ai sonné des récrés en pensant pouvoir travailler une demi-heure mais en devant finalement préparer des goûters, surveiller des jeux qui dégénèrent, essuyer des petits pieds plein de terre…
J’ai dû être maman, instit, fonctionnaire, femme de ménage, cuisinière, animatrice, policière, gérer tout en même temps et choper des maux de tête parce que c’était trop, parce que c’était dur.

Mais aujourd’hui, alors que ça se termine, aujourd’hui alors que je retourne au travail deux jours par semaine, alors qu’ils vont découvrir « le monde d’après » en retournant à l’école, je suis déjà un peu nostalgique.

J’ai appris mille choses pendant ce confinement, mais la première, la toute première, c’est de ralentir et de profiter d’être à la maison, ensemble. Et je crois que quand le quotidien reviendra vraiment, j’aurai cette sensation de ne plus avoir assez de temps avec eux, assez de temps à la maison.

Si seulement, on pouvait réfléchir à notre façon de voir le travail et la maison. Aménager ça autrement.
Je n’ai aucune solution toute faite, juste envie d’inventer un autre mode de fonctionnement.

Education, Etre maman, Non classé

Apprendre à apprendre

Lundi soir, mon fils est sorti de l’étude (« aide aux devoirs ») en me disant « maman, on a tout fini sauf la poésie, elle est trop dure, j’y arriverai jamais ».

Dans ma tête j’ai immédiatement pensé « zut si je l’inscris à l’étude c’est pour qu’on n’ait plus rien à faire en rentrant à 18h30 ! ça me saoule cette poésie ! ». Mais je lui ai dit « ok t’inquiète, on regardera ça ».

18h30, nous rentrons à la maison, il allume la télé, je regarde la poésie. Quatre strophes avec du vocabulaire hyper compliqué, Théophile Gautier. Je râle intérieurement « quel intérêt de leur faire répéter des choses qu’ils ne comprennent pas, c’est nul ! ».

Et puis mon grand garçon de 8 ans, plus tard, me dit à nouveau « j’y arriverai jamais maman, je ne veux pas l’apprendre ». Je lui réponds « tu sais, d’habitude tu retiens super bien les poésies, s’il y en a une qui ne rentre pas, ce n’est pas grave du tout ». Mais il insiste « tous ceux qui ont déjà été interrogés ont eu A+. Et moi je vais avoir N/A (« non acquis », ndlr). Et je m’en fiche voilà ».

Je le remotive. Je lui dis (alors que je rêve d’aller me coucher et ne plus rien gérer, je viens de passer toute ma journée à gérer des problèmes…) « on va l’apprendre ensemble, tu verras, trop facile ».

On commence. Je fais mine de l’apprendre avec lui. Tu vois, ça va aller, trop facile. Mais en fait, même moi, je ne retiens pas, les phrases n’ont ni queue ni tête, les mots ne veulent rien dire dans sa tête « Rosse d’une note fantasque Cassandre son souffre-douleur », il faut lui expliquer tous les mots, ça ne rentre pas.

En moi, je fulmine.

Qui sont ces parents qui font répéter inlassablement leurs enfants, leur mettent la pression, pour avoir une bonne note sur un devoir qui manifestement n’apporte pas grand chose à l’enfant (va-t-il se souvenir de ce que veut dire « rosse » ?), qui, même pour un adulte, est difficile à retenir ? Combien de temps y ont-ils passé ?

Je réfléchis. Je pèse le pour et le contre. Y passer toute la soirée ? Le braquer ? Le faire pleurer parce qu’il est face à l’échec ? Mais en même temps, s’il est interrogé le lendemain et qu’il ne sait pas, va-t-il gérer ? Ne se sentira-t-il pas humilié, vexé d’être seul à hésiter face à la classe qui sait ?

Je sais que mon fils a une bonne mémoire. Je sais qu’il a fait l’effort. Je n’ai pas l’énergie d’y passer toute la soirée, et finalement pas envie qu’il ne retienne que la difficulté, les larmes, l’impatience.

J’opte pour travailler un peu et lâcher l’affaire au bout d’un quart d’heure.
Pour le faire rire, pour le remotiver, j’inverse les rôles. Je lui dis « bon, j’essaie, d’accord ? Tu crois que je vais y arriver ? Je récite et tu m’aides, ok ? »
Ravi de cette inversion, ravi de jouer le maître, il me souffle et se moque de moi lorsque je bute toujours sur les mêmes mots. Je fais semblant de m’énerver, il rit. Puis me dit « bon à mon tour ! ». Il hésite, je lui souffle, je lui mime, il rit, il recommence tout, puis finalement, lassé, baisse les bras. Il part se coucher, son cahier sous l’oreiller « on ne sait jamais peut-être que ça marche ».

Mardi soir, je lui demande comment ça s’est passé. Il n’a pas été interrogé.

Mercredi, je regarde son cahier de texte, je lis « poésie en entier ». Nous la récitons à tour de rôle, chacun de nous aide l’autre, et finalement il la sait beaucoup mieux que moi. Il enchaine les vers, se moque de moi parce que j’oublie toujours le même mot, rit et finit par la déclamer, haut et fort et sans erreur, en sautant, debout sur mon lit.

Je suis fière. Fière de lui, fière de moi, fière de nous.

Pas parce qu’il aura sans doute une bonne note. Je m’en fous.

Mais parce qu’il va retenir de tout ça beaucoup de choses. D’abord, que rien n’est trop difficile. Qu’avec du temps et de la persévérance, on y arrive. Et puis, qu’apprendre ça peut être rigolo. On s’aide, on se trompe, on recommence, et quand on sait, quand les mots viennent tout naturellement, quel bonheur !

On a appris la poésie. Je la sais moi aussi, maintenant. On l’a apprise dans le jeu et dans le rire, sans pression, sans contrainte, sans obligation, juste comme un défi. Et il a aimé apprendre.

souffrance

Survivre

Je regarde mes collègues aller à leur séance de yoga.

Je regarde par la fenêtre et je vois un beau ciel bleu. Un peu froid, pas de vent, pas de pluie… temps idéal pour aller courir.

Je vois les mails du boulot qui arrivent, mon cerveau ne comprend pas, ne lit pas. Je n’y suis pas.

Je vois les gens vivre, s’affairer, et moi, effarée, je me sens tellement décalée. Dépassée par l’urgence immédiate de l’enchaînement des tâches, dépassée par les obligations sociales, les mails, les messages instantanés, le passage incessant de collègues à qui il faut dire bonjour, faire la conversation…

Je reste assise à mon bureau devant mon ordinateur, alors que mon corps tout entier voudrait être ailleurs. Je voudrais être en forêt, en pleine nature, sur un chemin, avec comme seule contrainte l’heure de la nuit qui tombe, l’heure de la lune qui se lève. Pas de montre, pas de téléphone, et seulement le bruit du vent dans les arbres.

Papy est mort.

Cette nuit, papy est mort. Dans son sommeil, sans souffrance, parce que la vie l’avait fatigué. Jamais malade, juste fatigué.

Il y a deux nuits, il est venu me dire au-revoir dans un rêve. Je l’ai serré dans mes bras, je lui ai fait mes adieux. Je savais que c’était la fin.

Ce matin, le téléphone a sonné à 7h48.

Papy est mort.

Papy est mort aujourd’hui, et moi je suis au travail.

Hébétée par la vie si bruyante, les urgences qui n’en sont pas, la vie moderne qui m’impose d’être aujourd’hui comme tous les autres jours, aussi performante, aussi enjouée, aussi efficace.
Cette vie moderne stupide qui m’impose des manèges de foire sous mes fenêtres, du shopping les jours de soldes, des points de fidélité sur des cartes invisibles et du bavardage sur des sujets sans intérêt.

Ce matin, j’ai écrit une liste de choses à faire sur un papier. Juste pour faire quelque chose, juste pour faire semblant d’être occupée, juste comme ça. Je n’ai pas besoin de cette liste, je n’écris jamais de liste.
Ce matin, j’avais un compte-rendu à relire et je l’ai relu 17 fois sans rien comprendre.
Ce matin, ma collègue m’a raconté son mercredi et je pensais à la mort de papy.
Ce matin, j’ai engueulé la radio de la voiture parce qu’il n’y passait que de la pub.
Ce matin, j’ai roulé à 90 sur l’autoroute derrière un camion parce que papa m’annonçait la mort de papy.
Ce matin, j’ai pensé au joli concert de piano que je vais voir vendredi soir prochain, et j’ai eu la faiblesse d’espérer que je ne devrai pas choisir entre le concert et l’enterrement de papy. Et je m’en suis voulu. Il y aura d’autres concerts…
Ce matin, j’ai cherché un moment de solitude et même aux toilettes il y avait du monde.
Ce matin, j’ai pensé à mon papa qui n’a plus son papa. Ni sa maman. Et j’ai pensé qu’un jour je n’aurai plus mon papa ni ma maman. Et je me suis sentie vieille.
Ce matin, je me suis demandée si j’emmènerai mes enfants à l’enterrement de papy.
Ce matin, j’ai réalisé que mes garçons ne sauraient que vendredi quand je vais les retrouver. Parce que je n’ai pas envie de contacter leur père pour le leur dire, et que j’ai envie de gérer leurs questions, leur tristesse.

Bref, ce matin, j’étais au travail, et papy est mort.

Et je trouve cette vie tellement stupide, qu’on ne puisse pas s’arrêter une journée, deux journées, sans déposer des dossiers, des papiers, des demandes, juste pour se recueillir, juste pour être seul, juste pour réfléchir.

 

 

 

liberté, Séparation

Sidération et incompréhension

Situation compliquée.

Situation douloureuse.

Dans ma vie, j’ai toujours su quoi faire, face aux difficultés, face à la douleur, à la déception, à la tristesse. J’ai toujours eu beaucoup d’optimisme et d’espoir dans l’avenir, parce que les choses s’arrangent toujours. Et en ce moment, je ne sais plus. Tout ce que j’imagine dans l’avenir est entaché, assombri. Il y a cette ombre qui plane, cette ombre malveillante, toujours présente, au-dessus de moi, au-dessus de nous. J’ai la désagréable, oppressante intuition que, où que j’aille, quoi que je fasse, une âme sombre qui rampe et glisse s’infiltre partout dans ma vie. Dans mes pensées, dans des SMS, dans le cerveau de mes enfants, au bureau, partout. Je ne peux m’y soustraire.

Je voudrais partir, fuir, mais je ne peux pas. Pas maintenant. Pas de possibilité immédiate de fuite ou alors risquer de tout perdre.

Face à la colère, à la haine et au besoin de vengeance, je me sens vulnérable et seule. Face à la violence psychologique, je ne suis pas armée. Je ne sais pas réagir. Je ne sais pas quoi faire. Je ne sais pas gérer. Je courbe le dos en attendant que ça passe, mais ça ne passe pas. Je subis et je ne sais pas ce que je dois faire.

Toutes les solutions que j’imagine sont soit vaines soit risquées. Il ne me reste plus qu’à opposer les seules armes en ma possession : acceptation, calme, dignité. Ne pas répondre à la colère par de la colère. Mais ne rien dire ne signifie-t-il pas que j’accepte et que je cautionne ? Comment laisser faire ce qui nous paraît choquant, anormal, déviant ?

Comment vivre avec cette idée que la haine me suivra toute la vie et que je ne peux pas lutter contre ? Je ne peux pas imaginer vivre comme ça. Je ne sais pas comment y arriver. Cette présence, si proche, constante, si noire et vile, m’angoisse et me terrorise.

Je me sens prise au piège. Un piège tendu il y a des années qui se referme, jour après jour, et je ne comprends les implications réelles que maintenant.
Je pensais naïvement qu’il suffisait de partir pour être libre. Je découvre aujourd’hui que sortir de son emprise prendra des années. Qu’il ne suffit pas de dire non pour échapper à ça. Dire non est un préalable indispensable, mais ce n’est que le début d’un long combat. Le combat dure depuis trop longtemps et je suis fatiguée.

Je ne suis pas faite pour lutter. Je n’ai pas les armes. Je voudrais juste dire, faire comprendre, convaincre, utiliser les mots, discuter, apaiser et que tout s’arrête. Mais les mots ne servent à rien, car son mode de pensée est trop différent du mien. Il ne peut ni comprendre ni accepter ce que je veux lui dire. Il n’entend pas, il est bloqué dans un fonctionnement qui l’enferme dans la haine et il n’a pas la clé pour en sortir. Lui seul trouvera cette clé. Ou probablement ne la trouvera jamais.

Passer de la haine à l’acceptation. Se remettre en question. Accepter que l’autre est un être humain libre, et qu’en aucun cas on ne peut contraindre d’aimer. Accepter que l’autre ne nous aime plus. Arrêter de condamner aveuglément. Condamner pour éviter de réfléchir. Haïr pour survivre, parce que le recul et la réflexion amènent des choses trop difficiles. Je sais tout cela. Je ne veux plus en avoir mais j’ai encore de l’empathie. Je sais, je perçois, je comprends. Cela n’excuse rien. Cela ne permet pas de faire continuellement du mal à l’autre, aux autres.
La colère et la haine ne résolvent rien. C’est une étape, et ça ne doit être qu’une étape. Combien durera-t-elle ?

Je n’ai aucun autre choix, que de subir. Je me sens impuissante. Je pense à mes enfants, qui ne comprennent pas, qui ne savent pas, mais qui perçoivent, inévitablement, cette haine. J’ai peur que tout ça ait des conséquences. Ça en a sur moi, évidemment, mais ça en a sur eux. Et je ne peux rien leur dire, lorsque c’est en pleurant que je lis les SMS. Je ne peux pas leur expliquer. Je veux les préserver, alors qu’ils entendent que je suis la seule responsable de la situation. J’aimerais tout leur expliquer, mais ils sont trop petits et ils répètent tout ce que je leur dis. J’aimerais partir, loin, et leur dire pourquoi.

J’ai toujours pensé que l’empathie, l’intelligence, l’instruction, protégeaient de cette violence psychologique. Protégeait des autres. Donnait des armes, puissantes. Et aujourd’hui avec tout ça, je souffre. Mes émotions sont décuplées. Je ne peux pas me blinder. Mes réactions n’ont pas d’effet sur des personnes qui pensent différemment de moi, et ça me fait peur. Le monde n’est pas le même pour tous. La perception opposée des choses nous enferme dans une incompréhension mutuelle définitive et déprimante.
Je me sens tellement fragilisée par cette évidence qui me frappe, aujourd’hui. Cette incompréhension que rien ne peut réduire. Aucun mot, aucun geste, aucune attitude. Tout sera lu de travers, différemment, tout sera sali, parce que certains ne peuvent juste pas imaginer que certaines attitudes soient gratuites et pures. Pour eux, il y a nécessairement manipulation et volonté de nuire. Que faire ? Que répondre ? A part, inlassablement, répondre « non, il n’y a aucune volonté de nuire ». Parce qu’en face, la volonté de nuire est réelle et assumée. « Je veux que tu souffres », « je vais me venger », « tant mieux si tu pleures ».

Je n’ai rien à répondre à ça.
Ça m’est tellement étranger, je ne comprends tellement rien, je ne peux pas réagir. La seule réaction qui est la mienne c’est la sidération, l’hébétude. Et en face, j’entends « tu vois j’ai raison, tu ne réponds pas ».

Je ne réponds pas, non. Je ne sais pas. Je ne peux pas.

Tout ça me révolte d’injustice. J’ai envie de faire un scan de mon cœur et de mon cerveau et m’en servir comme preuve. Comment prouver l’absence de malveillance à quelqu’un dont c’est le seul mécanisme connu ?

Je me souviens de ces films qui m’ont marquée, quand j’étais ado. Ces films basés sur une injustice humaine ou sociale. Ces personnes qui sont embarquées dans des situations horribles à cause d’un malentendu, parce qu’il est impossible pour elles de faire entendre leur vérité. Je ressentais un malaise puissant et insupportable devant ces scènes. Aujourd’hui je le vis. Je sais que je ne pourrai jamais rétablir la vérité, ma vérité. Seule la sienne va compter parce que c’est facile. C’est facile, c’est commun, c’est commode et l’humanité aime bien les explications commodes.

Je suis outrée. Fatiguée. Sidérée. Déprimée.

 

Etre maman

Ces WE que tu voudrais oublier

Tu étais heureuse de les retrouver. Quelques jours sans eux, tu as profité, mais ils t’ont manqué. Tu vas les chercher un peu plus tôt que d’habitude, tu brûles d’impatience.

Ils sont là, ils t’attendaient, ils te courent dans les bras. Ils sont heureux de te voir, ils se bousculent pour être le premier dans tes bras, ils te racontent en parlant en même temps, leur journée, leur semaine, leur week-end, tu n’as pas assez de bras, pas assez d’oreilles, mais un cœur gonflé d’amour…

… et puis, moins d’une heure plus tard, c’est le drame. Énervés, fatigués, pénibles, ils crient, hurlent dans les escaliers de l’immeuble, se vautrent par terre devant la porte d’entrée, se battent pour entrer, jettent leurs baskets dans le couloir, allument la télé sans même demander…
Et tout le week-end c’est pareil.

Tu ne sais pas trop pourquoi, parfois tout se passe bien ils sont adorables, et parfois tout est lutte. Peut-être que tu es toi-même plus fatiguée que d’habitude. Ou que tu as moins de patience, ton esprit est moins disponible, tu as moins d’énergie. Et ils le sentent. Ils sentent tout de suite les points de faiblesse et ils s’engouffrent dedans…

Ou alors c’est eux, juste eux qui sont spécialement pénibles. Insupportables. Odieux même. A te répondre, à mettre en question tout ce que tu leur dis, à refuser de faire ce que tu leur demande. A ricaner ensemble de te voir t’énerver. A te chercher encore plus pour voir, pour se marrer, pour tester…

Tu craques. Tu grondes, tu punis, tu expliques, tu discutes, tu finis par avoir envie d’abandonner. De baisser les bras. De leur dire de devenir de sales petits gamins insolents et méchants et que ça ne te regarde plus. Tu as l’impression d’avoir toujours fait ce qu’il fallait, ce que tu pouvais en tout cas. Tu réfléchis, tu te remets en question. Et puis tu lâches prise. Tu n’en peux plus. Se battre toute la journée, tout le week-end, ce n’est pas possible. Tu profites d’un petit moment d’accalmie, d’un câlin inespéré pour te radoucir et demander ce qui se passe. Le grand s’excuse, te fait des câlins, regarde tes larmes couler avec tristesse. Tu rassures. Maman est juste un peu fatiguée, les larmes vont sécher et puis on va sortir d’accord ? Faire une belle balade jusqu’à la mer ?

Le petit ne veut pas. C’est nul les balades, et puis il est fatigué. Et puis il veut jouer ici. Mais ici il ne joue pas, il hurle et tape sur son frère. Tu insistes. Il vient. Il veut prendre son vélo. Tu préviens que tu ne veux pas porter le vélo. Il dit d’accord. Et puis au bout de dix minutes il s’énerve, il crie, il jette le vélo. La balade est trop longue, il y a trop de vent, c’est trop nul.

Tu craques. Tu as encore envie de pleurer. Ça t’aurait fait tellement de bien de voir la mer… Tu avais rêvé un week-end de jeux, de partage, de câlins, de balades en riant, et tu passes ton week-end à hurler. A gronder. A punir. A menacer. Tu détestes la mère que tu es ce week-end, mais ils ne te laissent pas le choix. Ils cherchent tes limites, ils les trouvent.

Tu es seule.
Seule face à eux deux, et ils sont forts. Ils ont mille idées pour te pousser à bout, et ils ont bien plus d’énergie que toi.  Seule, et personne pour prendre le relai dix minutes. Tu profites comme une oasis bienfaisante d’une heure de calme dans ta chambre pendant qu’ils jouent à la console. Ça finit en hurlant, ils te montent dessus alors que tu finis ta séance de relaxation, mais miracle, tu as eu une petite heure. Tu as pu boire un thé (avec Mario en fond sonore mais bon, tu as appris à te contenter de peu), puis t’isoler vingt minutes. Le week-end est presque fini. Tu as eu envie de pleurer tout le long. Envie de les abandonner. Envie d’abandonner ce rôle de mère, ce rôle ingrat et inconfortable, ce rôle que tu as l’impression d’avoir si mal rempli ce week-end.

Tu appréhendes. Tu es fatiguée. Tu penses à l’avenir et tu vois du noir. Comment être leur mère toute une vie ? Comment supporter ces moments ? Qui peut le faire ? Comment le faire sans devenir folle ? Tu te surprends à avoir hâte qu’ils soient grands. Qu’ils partent. Que ça s’arrête. Que tout s’arrête et que le calme puisse enfin revenir. De n’importe quelle façon.

Ces week-end que tu aimerais n’avoir jamais vécu, ces week-end que tu voudrais oublier, ils sont là. Ils ont existé. Tu vois arriver le lundi avec soulagement mais tu ne t’es pas reposée. Tu as broyé des idées noires et pleuré devant tes enfants. Tu leur as crié dessus  et menacé de confisquer les doudous. Menace inconséquente, insensée, sans aucun fondement éducatif mais enfin, la menace a marché, il s’est calmé. Tu as rendu les doudous.

Tu te poses mille questions. Tu ne te sens pas à la hauteur. Tu te crois nulle comme mère. Avant d’être mère tu pensais que ceux qui avaient des enfants insupportables manquaient tout simplement d’autorité. Maintenant tu sais, que les enfants sont parfois insupportables et que ce n’est pas de ta faute.

Il faut oublier. Penser à autre chose, se dire que c’est passé. Et essayer d’être leur mère malgré tout, parce que tu n’as pas le choix. Ce métier-là, tu ne peux pas en démissionner. Tu seras leur mère pour toute la vie, même si c’est beaucoup trop lourd pour tes épaules.

borderline

Faire semblant

Parfois, tu crois que tu es libre. Que tu peux choisir, tout changer, tout recommencer, déménager, partir, quitter un quotidien qui ne t’épanouit pas.

Parfois, tu crois que tout est possible. Tu lis des articles ou des recommandations, tu lis partout « crois en toi », « fais ce qui te fait rêver », « accomplis tes rêves sur le champ », « tu es géniale », etc.

Vous avez remarqué ? C’est la mode de l’auto-compliment, l’ère de la confiance en soi permanente, il faut être sûr de soi, assumer vraiment qui l’on est, se reconvertir pour trouver un vrai sens à ses actes, ne pas avoir peur, foncer, entreprendre. Ah ! Entreprendre ! Les femmes entrepreneuses, les femmes surdouées, les femmes qui se défendent, qui se rebellent, qui s’affirment !

Moi ça me saoule tout ça. Bien sûr qu’il faut avoir confiance en soi, qu’il faut dénoncer les comportements sexistes ou misogynes, qu’il faut se sentir bien et assumer qui l’on est. Mais toute cette mode, ça me saoule.

On passe d’une société pleine de carcans et de contraintes à une société où chacun a l’obligation de trouver la voie qui va lui donner un vrai sens, on a la pression pour être au top, pour être heureux, pour suivre, en quelque sorte, la nouvelle voie obligée.

C’est pas ça la liberté ! C’est pas de suivre des influenceurs sur youtube ou sur facebook, c’est pas d’acheter un bullet journal et d’écrire ses gratitudes tous les matins parce que quelqu’un a dit que c’était bien et qu’il fallait le faire pour être heureux !

Qu’est-ce que ça m’énerve !

Moi je sais à peu près ce qu’il me faudrait pour être heureuse. Et ça passe par une grande indépendance, une bonne partie de solitude, et paradoxalement un contact avec les gens.  Un vrai contact. Pas des « bonjour bonne année et surtout la santé ! » le 6 janvier dans les couloirs du boulot. Pas des pseudo-conversations avec des gens qu’on n’a pas envie de voir et avec lesquels on a rien en commun. Non, apporter aux gens qui je suis vraiment, par une activité, un service, un commerce, un lieu de vie. Faire d’un lieu quelque chose qui me ressemble où les gens viendraient parce que ça leur plaît.

Mais je suis fonctionnaire. Et j’ai deux enfants à élever. Des enfants qui voudront faire des études, des enfants dont je dois m’occuper les soirs, les mercredis et les week-end.

Alors, le 6 janvier, et même si j’ai envie d’insulter tout le monde, même si je voudrais fuir, même si ça m’épuise, même si ça me déprime, je pousse la porte de mon bureau et je fais semblant de sourire.

Je parle aux gens, le moins possible mais de quoi remplir les obligations minimales de politesse. J’ouvre mon ordi et je fais semblant de me sentir concernée. Je réponds à des mails et je lutte contre l’envie de dire merde à tout et à tout le monde.

C’est la rentrée. Ça va passer. Retrouver ses habitudes, ses automatismes, réapprendre à faire semblant sans en être épuisée. Et rêver. Toujours. Parce que ce n’est jamais trop tard et qu’un jour, peut-être, je trouverai un moyen de faire ce qui me plaît.

En attendant, je ne lis plus les messages, les articles, les posts intimant de mieux manger, de faire du sport ou d’avoir un rituel matinal. Je m’en fous. J’en ai marre de ceux qui pensent influencer les autres. J’en ai marre aussi de ceux qui font comme tout le monde parce que c’est la mode. J’en ai marre d’écouter les avis des uns et les recommandations des autres.

Et j’en ai marre de faire semblant. Semblant de sourire, semblant de m’intéresser, semblant d’être sociable.

Je suis une asociale, râleuse et acariâtre. Et j’ai le droit ! Les obligations de ma vie me fatiguent, aujourd’hui. Faire la conversation, répondre au téléphone et gérer des dossiers (ça veut dire quoi ça, « gérer des dossiers » !!! Rien du tout… du vent….), c’est au-delà de mes forces aujourd’hui.

Mais bonne année quand même !

liberté, Projet

Ma petite maison à Calais

Elle est petite…

Elle a un jardin minuscule et un mur en brique au fond…

Elle est en pleine ville…

Elle est mitoyenne…

Elle n’a pas de garage, pas de cave, pas de grenier…

… mais je l’aime déjà. Ma petite maison à Calais.

J’ai signé le compromis il y a deux jours. Je l’achète seule. Je décide seule. Je signe seule. Je m’engage seule, mais je partage ma joie.

Bientôt, avant le printemps, je serai chez moi dans cette petite maison qui a tout ce qu’il faut. Une grande chambre avec mezzanine et salle de bain privée pour mes garçons, un bureau / coin télé, un poêle à bois, un petit coin salon, une belle cuisine avec des carreaux de ciment, une chambre avec dressing pour moi, et un petit bow-window qui lui donne tout son charme à l’anglaise.

J’ai déjà mille idées d’aménagement. J’ai envie d’y être demain. Partir de mon appartement exposé dont on voit la lumière aux fenêtres à 500 mètres à la ronde et où on passe devant où que l’on aille.

Dire au-revoir à mon beau parquet ciré, à la vue sur l’hôtel de ville qui me ravit chaque jour, à mes 145 m² dont les trois-quart baignés de lumière aux fenêtres plein sud. Mais dire au-revoir aussi aux voisins du dessus et aux voisins du dessous. A mon propriétaire qui ne veut pas entendre que s’il y a des infiltrations d’eau sur les murs ce n’est pas à cause de mon linge qui sèche… Aux trois étages sans ascenseur à monter même les vendredis soirs avec deux garçons fatigués, les sacs de courses et les cartables…

Quitter l’hyper-centre pour une petite rue tranquille, peu passante. Quitter la location pour être chez moi, et avoir enfin l’impression de commencer ma nouvelle vie, après cette grosse année de transition.
Ma maison, à moi et à mes garçons. Ma vie de mère seule avec deux enfants. Pas d’homme, sauf quand je l’invite. Sauf quand on en a envie. Pas d’homme au quotidien, pas de vie de famille recomposée, pas de tension sur l’éducation de mes enfants, mais des bras réconfortant, tendres et bienveillants seulement quand on en a besoin.

Une maison pas trop grande pour me séparer des meubles inutiles. Pour moins consommer d’énergie. Pour se sentir dans un cocon que l’on va décorer et aménager pour qu’elle réponde à tous nos besoins. Leur grand espace, en haut. Mon espace, en bas. Et le séjour comme un petit cocon douillet où se retrouver. Une table, quatre chaises, un poêle et deux fauteuils près de la fenêtre. Un petit bureau rabattable pour les devoirs du soir, et mon piano. Pas de gros buffet, pas de bibliothèque ni de grand canapé. Peu de rangements pour moins d’affaires, me séparer de l’inutile, recentrer ma vie autour d’une table et d’un poêle.

J’aime cette idée. Habiter dans plus petit pour moins consommer, pour renouer avec nos vrais besoins.

Je voulais une petite cabane au fond d’une clairière, j’ai ma petite maison à Calais.

Comme un premier pas. Un renouveau. Une renaissance. Mes choix, ma vie, mes besoins. Et cette impression de liberté, enfin.

 

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liberté, Projet

Liberté et projets

Je suis libre.

Depuis un an je n’ai plus personne pour rabaisser mes idées, nier mes projets, ralentir ma progression. Je suis seule maître à bord, seule à décider de ce que je vais faire de ma vie. Dans quel genre d’endroit je veux habiter. De ma façon de vivre, au quotidien. Des choses que j’achète ou que je n’achète pas.

J’ai déjà changé beaucoup d’aspects par rapport à ma vie d’avant. Certains par contrainte (vivre en appartement au troisième étage sans ascenseur), d’autres par choix, par libération même. Je m’impose moins de contraintes, je m’organise différemment, j’achète de plus en plus d’occasion, je fais de petites courses plus régulièrement en sortant du boulot et ne fais plus de grosses courses le samedi en hypermarché, j’ai horreur de ça c’est le truc que je déteste le plus dans la vie moderne… Je récupère l’eau sous l’évier de ma cuisine pour la chasse d’eau, je chauffe moins, je fabrique ma lessive, je vis sans sèche-linge, je ne repasse presque rien.

Dans mon quotidien je me sens totalement en phase avec ma façon de vivre, maintenant. Ca me fait beaucoup de bien, j’étais épuisée d’essayer de convaincre sur des aspects qui me paraissaient évidents.

Mais pour les gros projets, c’est plus difficile. Etre libre, c’est devoir faire des choix. Et choisir, c’est renoncer à tous les autres projets. Et honnêtement, je trouve ça hyper difficile.

J’ai plusieurs projets, plusieurs envies. Des projets pour maintenant et des projets pour plus tard, quand mes enfants ne seront plus là. Des projets de construction d’une petite maison en bois, dans la nature, par exemple. Ou de chambres d’hôtes sur la côte.
Depuis des mois j’hésite. Je tourne en rond. Etre en ville c’est bien pratique quand même, à deux pas de la gare, des activités des enfants, à 7 min de l’école, et on peut tout faire à pieds, on va faire nos courses en trott’, on participe à tout ce que la ville organise en terme de manifestations, sorties, animations pour les enfants. Ce n’était pas mon rêve d’être en ville, et pourtant, finalement, j’aime bien, les enfants aussi et il faut avouer que c’est pratique. On va au conservatoire à pieds. Je n’ai pas besoin de rester à attendre, je peux rentrer chez moi avec le petit frère en attendant la fin des cours. On va au judo en cinq minutes de voiture (on pourrait y aller à vélo mais les rues sont très étroites et sans piste cyclable, impossible avec un enfant de 5 ans même si c’est un as du vélo).

Depuis des mois, mes rêves se trouvent confrontés à ma réalité du moment : les enfants et leurs activités, l’école dont je ne veux pas trop m’éloigner, la garde alternée. Alors ma petite maison en bois à la campagne, elle les fait rêver aussi, on en parle tous les trois, ils aiment l’idée mais ils ne se rendent pas compte que dans 4, 5 ans, ils vont vouloir voir leurs potes, ils vont vouloir sortir, et ils vont beaucoup moins kiffer la petite maison au fond  du pré…

Alors peut-être, que ce projet-là sera un projet pour plus tard. Pour moi. Quand ils seront grands et autonomes.
Parfois je me disais au contraire qu’ils sont à l’âge où ils profiteraient au maximum de la campagne. Ils seront dehors tout le temps. Il faut le faire maintenant. Mais quelque chose me retient. Je n’ose pas me lancer.

Et il y a deux jours, j’ai visité comme ça, pour voir, une petite maison de ville à deux pas du centre. Pas du tout ce qui me fait rêver au départ, et pourtant…. Je me suis projetée. J’ai imaginé une vie bien agréable. Une petite maison, de petits espaces mais très bien agencés, très bien décorés, lumineux. Une grande chambre avec mezzanine pour mes enfants. Deux salles de bain. Une isolation au top, un poêle à bois, une petite chambre avec un dressing pour moi, une belle cuisine, un tout petit jardin.

Alors je crois, que je vais suivre le chemin de mon intuition. Depuis longtemps j’ai dans l’idée de vivre dans plus petit, de moins consommer, d’optimiser l’espace. De privilégier une bonne isolation et une bonne gestion de l’espace pour ne pas chauffer des dizaines de mètres carrés qu’on n’utilise pas.

Et puis, c’est drôle mais les gens ne comprennent pas. Ils me disent qu’avec mon budget je peux acheter plus grand, plus beau. Et puis après ? Si j’ai envie de vivre dans une petite maison ? Si je n’ai plus envie de rembourser des mensualités démentielles parce que j’ai eu envie de vivre dans 150 m2 ? Si j’ai envie de garder de l’argent pour partir à l’aventure avec mes garçons en camion ? Si je préfère avoir un prêt de 10 ans plutôt que de 30 ans ?

Si je fais ce choix, dans cette petite maison, je ne pourrai sans doute pas mettre tous mes meubles. Et j’aime bien aussi cette idée de faire un tri, de ne garder que l’essentiel dont j’aurai besoin, et d’adapter mes meubles à l’espace dont je dispose et non l’inverse. J’ai souvent, par le passé, visité des maisons dans lesquelles l’un des critères principaux était « est-ce qu’on aura la place de mettre notre grand canapé et le gros buffet dans cette pièce ? ». Je ne veux plus de ça. Je veux juste une maison dans laquelle je me sens bien. Une table, un fauteuil près du poêle et au final, de quoi a-t-on besoin de plus ?

Vivre en ville, pour l’instant. Pour faciliter le quotidien, pour placer mon argent au lieu de le dépenser en loyer, pour remplacer mon appart en location par une maison à moi.

Et si je veux, dans deux ans, dans cinq ans, dans dix ans, je ferai autre chose. Autrement.

La liberté c’est aussi ça. Suivre son instinct, même s’il amène à ne pas suivre la voie qu’on pensait avoir choisie. Se laisser surprendre.

 

Etre maman, Séparation

Garde alternée – un an après

Voilà un an que je suis partie.

A quelques jours près, un an que j’ai déménagé et que nous avons entamé la garde alternée.

Aujourd’hui, l’organisation est bien rodée. Les enfants savent quel jour, quelle semaine ils sont chez papa ou chez maman. Pour le deuxième (5 ans) c’est parfois un peu difficile, il me dit que je lui manque quand il est chez papa, et demande papa quand il est chez moi. Mais ça ne l’empêche pas d’être heureux, de rire, de jouer, de s’inventer des mondes avec une imagination qui m’étonne chaque jour.

On les garde une semaine chacun, du vendredi au vendredi. Celui qui finit la semaine de garde les amène à l’école le vendredi matin, et l’autre va les chercher le soir et commence sa semaine de garde. Je suis donc toujours contente d’être vendredi : soit je vais revoir mes garçons, soit je vais fêter une soirée et un WE sans enfant ! Les deux sont agréables…

Comme je suis à 80% et que j’ai eu envie de le rester, je garde les enfants tous les mercredis, même quand c’est sa semaine. Et comme c’est idiot de les réveiller tôt pour les préparer alors qu’ils n’ont pas école, je les prends dès le mardi soir, après l’école. Ce n’est donc pas une vraie garde alternée à 50-50, je les vois toutes les semaines, même quand c’est sa semaine. On a mis en place une petite compensation financière, mais à mon avis je suis largement perdante, si on prend en compte ce que je perds en salaire à être à 80%, et ce qu’il gagne à ne rien dépenser pour une journée complète et une nuit de garde. Mais pour l’instant je n’ai pas envie de me battre là-dessus, il y a suffisamment de sujets de discorde comme ça… et puis je suis vraiment contente de passer mes mercredis avec eux, même si cette journée est parfois épuisante, c’est important pour moi de le faire. On a nos petites habitudes, on passe du temps ensemble, je peux emmener le grand à ses activités et garder un contact avec tout ça.

La semaine avec eux est épuisante. Riche aussi, pleine de moments de bonheurs et de jolis souvenirs, mais c’est vraiment du 100% pendant 7 jours, matin, soir, nuit, WE, je n’ai pas une minute à moi. Le WE leur est entièrement consacré, c’est rare que j’arrive à me poser entre les contraintes ménagères et les moments qu’on passe ensemble, au mieux je prends 20 min dans le canapé pour boire mon café, bien souvent avec les deux dans mes jambes qui me sollicitent.

Une semaine sans répit. Sans relai. Je n’ai pas ma famille dans la région donc je suis entièrement seule, et s’il m’arrive de faire appel à des amies dans des circonstances exceptionnelles (déplacement professionnel par exemple) pour me donner un coup de main, la plupart du temps je me débrouille entièrement seule. Je les dépose à l’école le matin, je vais travailler à 50 km, je rentre le moins tard possible pour les récupérer en fin de journée à la garderie, on enchaîne devoirs, douche, dîner, coucher, ensuite j’ai encore tout à ranger, la vaisselle à faire, les affaires du lendemain à préparer, donc les soirées sont bien occupées. En général je suis tellement fatiguée après ces journées que je me couche dès que j’ai fini les corvées incompressibles.

Sans compter les soirées ou les nuits, comme cette semaine, où il faut se relever pour moucher un nez bouché, parce que l’autre ronfle et que le premier ne peut pas dormir, parce que l’un des deux a mal à la tête…

Si j’ai des nuits complètes sans qu’ils me réveillent, je tiens le coup. Si les nuits sont hachées, et/ou que je suis malade comme cette semaine, ça devient vraiment difficile.

Avec mon boulot ça demande une bonne organisation. La semaine où j’ai les enfants je fais moins d’heures, j’arrive plus tard et je repars plus tôt le soir, je ne fais pas toujours du sport entre midi et deux pour rester travailler, et c’est un peu difficile de tout concilier. Heureusement j’ai des collègues très compréhensifs et un boulot où je peux m’organiser comme je veux, je fais donc de grosses journées lorsque je n’ai pas les enfants, je pars à 7h30 et rentre à 19h30 pour compenser.

Bosser à 50 km de mon domicile et de l’école des enfants me donne un peu de stress aussi, lorsqu’ils sont malades et que la maîtresse m’appelle car il faut venir les chercher par exemple. Ou lorsque je pars un peu tard et me retrouve coincée dans un gros embouteillage… Mais là encore, j’ai de la chance car les animatrices de la garderie me connaissent bien et ne disent rien en cas de retard (ça m’arrive rarement).

Malgré les difficultés, j’aime garder le contact avec leur quotidien, avec l’école. Ça me manque quand je ne les ai pas. Savoir s’ils ont passé une bonne journée, suivre les devoirs, croiser les instits en début de journée, et les autres parents d’élève. Deux fois par semaine je ne les mets pas à la garderie le matin, justement pour ça, pour croiser instits et autres parents d’élèves, et pour qu’ils n’aient pas l’impression d’être toujours les premiers arrivés le matin et les derniers à partir le soir.

Ce que j’aime dans la garde alternée, c’est que j’ai la sensation de profiter encore plus des moments avec eux, parce que je sais qu’ensuite j’ai quelques jours pour souffler. Certaines semaines, j’ai un petit pincement au cœur le vendredi matin lorsque je les dépose… Je leur dis « à mardi » et mon cœur se serre… D’autres semaines, comme aujourd’hui, je ressens seulement un grand soulagement car la semaine a été éprouvante et que je vais enfin pouvoir me reposer.

J’apprécie aussi d’être seule maître de ma façon de les éduquer et de ce que je fais avec eux, et de comment je fais les choses. Personne pour m’observer et me dire quoi que ce soit s’ils mangent de la pizza devant la télé le samedi soir parce que je n’ai pas le courage de cuisiner… Personne pour me faire des reproches, je fais ce que je veux et ça me fait beaucoup de bien. Ils roulent à vélo dans les flaques de boue, on sort jouer à la plage même quand il fait 2°, on fait de la cuisine et on en met partout et ce n’est pas grave, je les laisse se servir du grand couteau parce qu’ils font attention, j’envoie le 8 ans chercher le pain ou les frites tout seul, je leur donne globalement beaucoup plus d’autonomie que leur père et je suis heureuse de pouvoir le faire sans entendre aucun reproche.

Sans doute n’en pense-t-il pas moins lorsque les enfants lui racontent, mais je m’en fiche, je ne l’entends pas.

Je les responsabilise et j’essaie aussi de développer leur empathie en leur faisant prendre conscience de ce que je fais de mes journées, pendant qu’ils jouent… Pas pour les faire culpabiliser, juste pour que, le soir, ils comprennent lorsque je dis « maintenant c’est fini, tu ne me rappelles plus, j’ai besoin de me reposer et tu n’as plus besoin de moi. On se retrouve demain ». Ils savent. Oui c’est dur de passer mes journées à faire la vaisselle, faire les repas, et répondre à leurs multiples sollicitations mais je leur dis aussi, très souvent « j’ai passé une très belle journée avec vous ! » ou « j’ai adoré quand on a fait ça, pas vous ? ».

Ils sont heureux, je crois.

Même si la séparation a été et restera un traumatisme pour eux, même si voir leurs parents ensemble sera toujours un rêve, même s’ils sont tristes et nostalgiques lorsqu’on passe devant notre ancienne maison… C’est la première grosse difficulté dans leur vie, il y en aura d’autres, et je serai là pour les accompagner.

J’ai longtemps culpabilisé. Plus maintenant. Je sais que ce choix, cette situation était inéluctable ou ils auraient eu une maman dans l’ombre d’elle-même toute leur vie. Une maman terne, triste, en retrait, en dépression sans doute même.

Aujourd’hui ils ont une maman fatiguée, mais heureuse et bien dans ses baskets. Qui assume ses choix et qui se débrouille toute seule. Plus tard, ils comprendront.

Etre heureux

Journée de repos

Journée off.

Journée de repos.

Dans mon quotidien à mille à l’heure, prévoir une journée de pause. Savourer la chaleur et la douceur de la couette recouverte d’un plaid moelleux, ouvrir la fenêtre et se remettre au chaud…

Ne pas regarder l’heure.

Oublier toutes les contraintes.

Oublier tout ce qu’on a à faire, juste une journée.

Vider son cerveau de toutes les pensées nuisibles, négatives, oppressantes. Toutes ces pensées qui s’invitent bien trop souvent en ce moment. Les tenir à distance. Les empêcher de me toucher, de m’atteindre. Visualiser une bulle transparente mais solide, une bulle de bonheur et de bien-être, emplie de jolies choses, sur les parois de laquelle les pensées violentes, sombres, angoissantes, viennent se briser et se perdre à jamais.

C’est difficile en ce moment.

Pourtant je vis de jolies choses, de très jolies même, mais parallèlement à ces moments ressourçant, je suis toujours anéantie par sa violence, sa haine et sa méchanceté. Avec cette impression que rien ne l’arrêtera jamais, que je suis liée à cet homme pour la vie, avec toute la malveillance qu’il a envers moi.

Je ressens jour après jour une sorte de pression, d’oppression plus exactement, comme si une âme sombre et malveillante, rampante, vile et insaisissable me suivait partout. Je voudrais m’en défaire mais elle est toujours là. Elle peuple mes cauchemars, elle m’invite à me retourner parfois lorsque je me promène, à fermer tous les verrous de ma porte, à éviter de me trouver trop longtemps trop près de mes fenêtres.

Il sait où j’habite. Il passe. Il se gare parfois juste là, en bas. Il veut savoir, il veut contrôler, il veut juger. Il embrasse ses enfants avec le sourire et me regarde avec violence. Une violence sournoise, cachée. Jamais de coups, plus d’insultes, mais ses regards, ses mots, son comportement sont emplis de violence.

Je voudrais partir loin et je ne peux pas. Je voudrais n’être plus jamais liée à lui et je suis enchaînée pour toujours.

Je voudrais me détacher psychologiquement, mais je n’y arrive pas. Je me demande sans arrêt dans quel état il est et ce qu’il pense à mon sujet. Je ne devrais pas. Il faudrait que tout ça reste loin de moi, mais ça m’atteint encore tellement.

Aujourd’hui je me sens bien, pourtant. Je n’ai pas fait de cauchemar cette nuit, j’ai eu un sommeil doux et réparateur, et je m’astreins aux techniques de méditation pour tenir toutes les pensées à distance. Je m’oblige à n’être que dans l’instant, cette douceur des couleurs qui m’entourent, le rayon de soleil qui éclaire la pièce, le chant des oiseaux. Ce matin j’irai voir la mer, seule, et respirerai son parfum qui lave mon âme et mon corps.

J’inspirerai profondément et je retrouverai ce sourire apaisé qui m’accompagne lorsque je me souviens que rien n’est grave. Que rien n’a d’importance. Rien d’autre, qu’être en communion totale et immédiate avec les éléments qui m’entourent. Rien d’autre qu’être moi, en accord total avec mes pensées, mes actes, mes besoins.

Oublier un instant la liste des tâches, la liste des courses, oublier la noirceur des pensées de certains, et m’entourer de douceur, de bienveillance et d’amour.

Etre bienveillante envers moi-même. Pas trop exigeante. Lâcher prise et ne pas se créer de contraintes ou de soucis si ce n’est pas strictement nécessaire. Remettre les choses à leur place, ne pas dramatiser un RV oublié, la poussière dans le vestibule (c’est ma grand-mère qui disait vestibule, on a un peu oublié ce terme et pourtant c’est un si joli mot qui va si bien avec mon appartement ancien au parquet ciré…), une tâche de dentifrice dans le lavabo, les jouets en désordre sur le tapis. Oublier le black friday et les réseaux sociaux, jeter toutes les petites listes de choses, listes de tâches, listes de courses, oublier tout ce qui peut être oublié, faire de la place dans le cerveau pour le beau, le calme et le silence.

J’aime ces moments de calme. Ces débuts de journée où tout est encore possible.