Etre maman

Ces WE que tu voudrais oublier

Tu étais heureuse de les retrouver. Quelques jours sans eux, tu as profité, mais ils t’ont manqué. Tu vas les chercher un peu plus tôt que d’habitude, tu brûles d’impatience.

Ils sont là, ils t’attendaient, ils te courent dans les bras. Ils sont heureux de te voir, ils se bousculent pour être le premier dans tes bras, ils te racontent en parlant en même temps, leur journée, leur semaine, leur week-end, tu n’as pas assez de bras, pas assez d’oreilles, mais un cœur gonflé d’amour…

… et puis, moins d’une heure plus tard, c’est le drame. Énervés, fatigués, pénibles, ils crient, hurlent dans les escaliers de l’immeuble, se vautrent par terre devant la porte d’entrée, se battent pour entrer, jettent leurs baskets dans le couloir, allument la télé sans même demander…
Et tout le week-end c’est pareil.

Tu ne sais pas trop pourquoi, parfois tout se passe bien ils sont adorables, et parfois tout est lutte. Peut-être que tu es toi-même plus fatiguée que d’habitude. Ou que tu as moins de patience, ton esprit est moins disponible, tu as moins d’énergie. Et ils le sentent. Ils sentent tout de suite les points de faiblesse et ils s’engouffrent dedans…

Ou alors c’est eux, juste eux qui sont spécialement pénibles. Insupportables. Odieux même. A te répondre, à mettre en question tout ce que tu leur dis, à refuser de faire ce que tu leur demande. A ricaner ensemble de te voir t’énerver. A te chercher encore plus pour voir, pour se marrer, pour tester…

Tu craques. Tu grondes, tu punis, tu expliques, tu discutes, tu finis par avoir envie d’abandonner. De baisser les bras. De leur dire de devenir de sales petits gamins insolents et méchants et que ça ne te regarde plus. Tu as l’impression d’avoir toujours fait ce qu’il fallait, ce que tu pouvais en tout cas. Tu réfléchis, tu te remets en question. Et puis tu lâches prise. Tu n’en peux plus. Se battre toute la journée, tout le week-end, ce n’est pas possible. Tu profites d’un petit moment d’accalmie, d’un câlin inespéré pour te radoucir et demander ce qui se passe. Le grand s’excuse, te fait des câlins, regarde tes larmes couler avec tristesse. Tu rassures. Maman est juste un peu fatiguée, les larmes vont sécher et puis on va sortir d’accord ? Faire une belle balade jusqu’à la mer ?

Le petit ne veut pas. C’est nul les balades, et puis il est fatigué. Et puis il veut jouer ici. Mais ici il ne joue pas, il hurle et tape sur son frère. Tu insistes. Il vient. Il veut prendre son vélo. Tu préviens que tu ne veux pas porter le vélo. Il dit d’accord. Et puis au bout de dix minutes il s’énerve, il crie, il jette le vélo. La balade est trop longue, il y a trop de vent, c’est trop nul.

Tu craques. Tu as encore envie de pleurer. Ça t’aurait fait tellement de bien de voir la mer… Tu avais rêvé un week-end de jeux, de partage, de câlins, de balades en riant, et tu passes ton week-end à hurler. A gronder. A punir. A menacer. Tu détestes la mère que tu es ce week-end, mais ils ne te laissent pas le choix. Ils cherchent tes limites, ils les trouvent.

Tu es seule.
Seule face à eux deux, et ils sont forts. Ils ont mille idées pour te pousser à bout, et ils ont bien plus d’énergie que toi.  Seule, et personne pour prendre le relai dix minutes. Tu profites comme une oasis bienfaisante d’une heure de calme dans ta chambre pendant qu’ils jouent à la console. Ça finit en hurlant, ils te montent dessus alors que tu finis ta séance de relaxation, mais miracle, tu as eu une petite heure. Tu as pu boire un thé (avec Mario en fond sonore mais bon, tu as appris à te contenter de peu), puis t’isoler vingt minutes. Le week-end est presque fini. Tu as eu envie de pleurer tout le long. Envie de les abandonner. Envie d’abandonner ce rôle de mère, ce rôle ingrat et inconfortable, ce rôle que tu as l’impression d’avoir si mal rempli ce week-end.

Tu appréhendes. Tu es fatiguée. Tu penses à l’avenir et tu vois du noir. Comment être leur mère toute une vie ? Comment supporter ces moments ? Qui peut le faire ? Comment le faire sans devenir folle ? Tu te surprends à avoir hâte qu’ils soient grands. Qu’ils partent. Que ça s’arrête. Que tout s’arrête et que le calme puisse enfin revenir. De n’importe quelle façon.

Ces week-end que tu aimerais n’avoir jamais vécu, ces week-end que tu voudrais oublier, ils sont là. Ils ont existé. Tu vois arriver le lundi avec soulagement mais tu ne t’es pas reposée. Tu as broyé des idées noires et pleuré devant tes enfants. Tu leur as crié dessus  et menacé de confisquer les doudous. Menace inconséquente, insensée, sans aucun fondement éducatif mais enfin, la menace a marché, il s’est calmé. Tu as rendu les doudous.

Tu te poses mille questions. Tu ne te sens pas à la hauteur. Tu te crois nulle comme mère. Avant d’être mère tu pensais que ceux qui avaient des enfants insupportables manquaient tout simplement d’autorité. Maintenant tu sais, que les enfants sont parfois insupportables et que ce n’est pas de ta faute.

Il faut oublier. Penser à autre chose, se dire que c’est passé. Et essayer d’être leur mère malgré tout, parce que tu n’as pas le choix. Ce métier-là, tu ne peux pas en démissionner. Tu seras leur mère pour toute la vie, même si c’est beaucoup trop lourd pour tes épaules.